Dès 1955, Chostakovitch envisage d'écrire une symphonie à la gloire de la Révolution d'Octobre. En pleine période jdanovienne, alors qu'il est plus ou moins en disgrâce malgré le relâchement du régime qui a suivi la mort de Staline, cette concession au pouvoir en place lui permet d'espérer passer entre les mailles de la répression qui s'abat alors une fois de plus sur les artistes du bloc soviétique. Le projet reste pourtant dans les cartons, d'autres soucis personnels occupent le compositeur : la maladie de sa mère, le retour de plusieurs de ses amis qui sont libérés du Goulag.
En 1956, la révolution hongroise relance son inspiration. Sa femme Irina dira plus tard qu'il a pensé sa Symphonie n°11 comme un hommage aux luttes contre les totalitarismes. Honorer les journées révolutionnaires de 1905, peu exploitées par la propagande du régime communiste bien qu'elles annoncent les événements de 1917, lui permet de concilier le message qu'il souhaite faire passer avec les exigences de la censure officielle. La Symphonie n°12 dite "1917", plus convenue, une sorte de musique officielle, bouclera l'affaire.
La Symphonie n°11 "L'année 1905" en sol mineur op.103 est créée ce 30 octobre 1957 en pleine euphorie soviétique, entre deux lancers réussis du programme Spoutnik qui permettent au régime de faire oublier la répression des mouvements contestataires qui surgissent en Europe de l'Est. L'oeuvre enchaine 4 mouvements exploitant toutes les ressources expressives d'une formation de plus de 70 musiciens. Elle va connaitre un grand succès en Union Soviétique, favorisant le retour en grâce de Chostakovitch qui reçoit le Prix Lénine. Tout n'est pas rose cependant puisque Tikhon Khrennikov (1913-2007), gardien intransigeant du temple et pourfendeur infatigable de l'art bourgeois contre-révolutionnaire, est élu secrétaire de l'Union des compositeurs cette même année 1957.