"La mort de l'ange est en vérité la pire de toutes les morts, car c'est à lui que nous avons confié nos rêves" (Gérard Grisey)
Après avoir participé à la fondation de l'ensemble L'Itinéraire (1973), Grisey poursuit son chemin personnel en participant au développement du courant dit "musique spectrale" avec Tristan Murail (1947-) notamment. Il s'intéresse également à la musique acousmatique à l'instar d'Hugues Dufourt (1943-), qui fait aussi partie des fondateurs de l'Itinéraire. Les deux domaines se rejoignent dès lors dans le travail de composition de Grisey, parfois au plan technique en mêlant le son électronique au son vocal et instrumental, parfois simplement dans cet enchevêtrement des plans sonores qui signe souvent les oeuvres acousmatiques.
Bien que l'essentiel de son activité tourne autour de l'enseignement, Gérard Grisey continue à composer jusqu'à la fin. Il s'éteint à Paris ce 11 novembre 1998. Les Quatre chants pour franchir le seuil (1997-98) sont sa toute dernière oeuvre, elle même une réflexion sur la mort exploitant des vers d'origines diverses : on y trouve des lignes de Christian Guez Ricord (1948-1988), de l'antique poétesse grecque Erinna de Telos, d'anciens textes mésopotamiens, voire des lignes de rapports archéologiques décrivant une série d'inscriptions sur des sarcophages du Moyen Empire égyptien. Le cycle commence par La mort de l'Ange. De la Berceuse qui suit et clôt ces Quatre Chants en même temps que que l'oeuvre de Grisey, le compositeur nous dit avant de franchir le seuil à son tour : "(elle) n'est pas conçue pour l'assoupissement, mais plutôt pour l'éveil. Elle est la musique de l'aube d'une humanité enfin libérée du cauchemar".